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Publié par jlgdu54

Mamie Ninie s'est éteinte le vendredi 22 avril 2016 à l'âge de 90 ans.

Mamie Ninie s'est éteinte le vendredi 22 avril 2016 à l'âge de 90 ans.

Voici pour rendre hommage à ma maman les deux textes qui ont été lus en l'église de Woippy le mercredi 27 avril 2016.

Hommage lu par Vincent.

Mamie, tes petits enfants ont bien grandi.

Nous sommes presque des adultes maintenant et Jérôme, oui, le tout petit Jérôme, a même fait un enfant. Il aurait aimé être là à tes côtés, une dernière fois, mais le petit Jérôme a tellement grandi qu’un océan nous sépare de lui. Il pense très fort à toi.

Nous avons bien grandi. Mais à tes yeux, Mamie, nous serons toujours tes petits. À chaque fois que tu nous voyais, tu nous disais “Oh mais qu’est qu’il a grandi celui-là encore !”. Mais non, Mamie, cela fait maintenant plus de 10 ans que nous avons arrêté de grandir. Tu le savais bien que nous étions devenus des grands garçons ! Mais tu ne pouvais pas voir autre chose en nous que ces trois affreux garnements qui gambadaient dans ton jardin à Woippy.

Tu avais trouvé le rôle de ta vie à nous garder tous les trois, à jouer la mamie aimante, la chef de colonie de vacances, la fausse maîtresse d’école qui nous grondait mais qui était la première à rire de nos bêtises.

Chacune de nos gamineries était ponctuée de ton fameux “Oh les chââââââmeaux !”, que tu disais avec un immense sourire aux lèvres. Je crois pouvoir dire que tu n’avais pas plus grand bonheur que de nous voir te faire “tourner en bourrique”, comme tu disais.

Quand je repense à Woippy, j’ai l’image de toi, dans tes robes délicieusement vintage, sous ta véranda avec ce papier peint aux couleurs de la forêt tropicale, étourdie par les bêtises de tes trois chameaux, qui ne cessent de courir partout et de renverser tout sur leur passage. Et toi au milieu de ça, toujours calme, gentille, généreuse, comme un torero qui fait virevolter sa muleta au passage de ses trois petits taureaux fous. Tu évitais toutes nos bêtises d’un sourire. Et nous, nous continuions à courir car nous aimions tellement te faire tourner en bourrique.

Alors oui, nous serons toujours tes petits, Mamie, c’est promis. Et toi tu seras toujours notre enfance.

Notre enfance, c’est quoi ? C’est difficile à dire vu d’aujourd’hui. On ne garde que peu de traces de notre enfance. On ne garde que des images diffuses, des souvenirs lointains, des bouts de phrase qui résonnent dans nos têtes. Pour notre part, beaucoup de nos souvenirs d’enfance sont à Woippy.

Quelle maison a le plus marqué notre enfance ? Comment départager celle du square des Hirondelles à Epinal ou celle de la rue Jean Jaurès de Neuves-Maisons ? Les deux ont compté autant et sont à égalité sur l’échelle de notre enfance.

Mais il y en a une qui aura traversé toute notre enfance, c’est Woippy.

Woippy, c’était cet ailleurs luxuriant, cet hectare de nature perdu en pleine ville, ce jardin aux mille merveilles. Woippy, c’était nos vacances, Woippy, c’était la liberté. La liberté pour nos parents, enfin débarrassés de nous ! La liberté pour nous, libres de faire toutes les bêtises que nous voulions !

Alors oui, s’il fallait garder une image de notre jeunesse, ce serait Woippy. Woippy, c’était notre Combray à nous, notre madeleine de Proust, cette maison merveilleuse qui résume toute notre enfance et que nous n’avions jamais fini d’explorer. Je veux que mes enfants grandissent aussi dans un Woippy. Je sais que la petite Solange a déjà trouvé le sien. C’est un chalet au bord du Saint-Laurent.

Il faut aussi te remercier, Mamie, aussi pour l’oeuvre de ta vie, la chose que tu chérissais le plus au monde, ton Jean-Louis, ton seul et unique fils. Celui qui est devenu notre père et que tu as si bien réussi. Jusqu’au bout, il se sera occupé affectueusement de toi et on l’en remercie. Ce texte est aussi pour toi, Papa.

Mamie, tu auras aussi su accueillir avec chaleur Maman dans ta famille, celle qui a apporté le bonheur à ton fils chéri. Je sais que tu leur as réservé un superbe mariage. Malheureusement, nous n’étions pas invités ! Mais voir ces images magnifiques avec tous les grand-parents réunis, cette incroyable dream team, Miquette, Fernand, Roger et toi, Mamie, nous a toujours touchés.

Et comment parler de toi, Mamie, sans évoquer les Baléares ?

Pour moi l’Espagne, c’est une grande péninsule et quelques îles qu’on a appelé bizarrement “Baléares” mais qu’on aurait dû appeler “Mamie Ninie”. Je ne sais pas pourquoi tu étais si obsédée par les Baléares mais je sais que tu nous as offert deux de nos plus beaux voyages. Tout seul avec moi, quand j’avais 8 ans. Tu m’avais acheté une toupie qui jouait la Lambada et elle tourne encore dans ma tête quand je pense à toi.

Tu es aussi parti après avec Xavier et Jérôme à Ibiza. J’étais terriblement jaloux, on ne m’invitait plus aux meilleures soirées ! Mes deux frères en ont gardé un souvenir mémorable. Quand ils me le racontent, j’ai l’impression qu’ils me racontent un voyage avec leur meilleur ami ou une version tendre et enfantine du film Very Bad Trip. Tu les laissais finir les fonds de sangria dans ton verre ! Tu ne cessais de leur donner des pièces pour qu’ils aillent jouer au jeu d’arcades ! Décidément, “t’en ratais pas une”, comme tu aimais si bien le dire.

Mamie, sur la fin de ta vie, la maladie t’aura rattrapé et tu auras perdu une partie de ta mémoire. Mais tu n’avais pas tout oublié. Chaque fois que tu voyais Jérôme, vous parliez pendant des heures de tes souvenirs du Canada. Vous en avez encore parlé à Noël l’année dernière. Mais l’événement ce jour-là, c’est ta rencontre avec ton arrière-petite fille, la dernière des Glad, la petite Solange.

Il reste une belle photo de cette rencontre. Je crains que Solange ne s’en souvienne pas plus que moi de ton mari Roger, qui est parti beaucoup trop tôt, quand j’avais 6 mois. Mais compte sur Jérôme pour lui montrer encore et encore cette photo et entretenir ta flamme ! Cette petite Solange, c’est l’avenir. Et ce jour-là, tu lui as passé le relais.

Mamie, avec la maladie, tu as perdu une partie de ta mémoire. Et je crois bien que nous y avons nous aussi perdu une partie de notre enfance. Sur tes dernières années, tu n’avais plus cet éclat dans les yeux qui nous renvoyait aux années heureuses de Woippy. Le souvenir de ces années s’est estompé en nous et c’est aujourd’hui, dans ces circonstances si tristes, que la mémoire nous revient.

On aurait aimé en parler plus avec toi, profiter plus de tes dernières années à nos côtés. Même si la magie de Woippy s’était évaporée, on n’aurait jamais dû laisser le voile de l’oubli recouvrir ces années-là et on s’en excuse auprès de toi.

Mamie, j’ai beaucoup pleuré en écrivant ce texte. Parce que ce texte, j’aurais aimé que tu l’entendes. Pouvoir te dire une seule fois toutes ces choses qu’on ne se dit pas forcément dans la routine des repas de famille. Tu l’aurais vraiment mérité, Mamie.

Repose en paix, ta vie fut magnifique, notre enfance le fut aussi. Et c’est aussi grâce à toi.

Hommage lu par Jean-Louis.

Ma maman vient de quitter une vie qui n’était déjà plus la sienne depuis de nombreux mois.

Veuve depuis 1986, elle aura vécu seule pendant presque 30 ans.

De 1985 jusque 2004, elle aura été une mamie très active et dévouée.

La grande maison de Woippy et son jardin accueillait régulièrement son seul fils, son épouse et leurs trois garçons.

« Mamie Ninie » était toujours disponible pour garder ses petits-enfants et les entourer de son affection.

Malheureusement, la maladie d’Alzheimer s’est invitée dans son cerveau en 2004 et elle a dû se résoudre alors à quitter son Woippy et la grande maison accueillante, remplacée par une maison bien plus petite, mais proche de sa seule famille à Neuves-Maisons.

Je remercie très chaleureusement tous ceux qui se sont occupés d’elle pendant les années néodomiennes.

Ma cousine Francette et son mari Xavier ont su entourer leur « Tante Ninie » et lui permettre entre autres quelques escapades dans la région, et notamment au Valtin.

Malgré tout, ces 11 années néodomiennes furent des années de déracinement et bien sûr nous avions perdu la Mamie active et accueillante de Woippy.

La dernière année se sera passée à la maison de retraite Sainte Thérèse de Ludres, une longue année pour elle, comme une dernière parenthèse, parce qu’il n’était plus possible de la maintenir à domicile.

Et je clos ce chapitre des remerciements par une immense gratitude envers Sylvie, la femme de ma vie, qui a énormément payée de sa personne pendant toutes ces années difficiles, notamment lorsqu’il a fallu débarrasser la grande maison de Woippy, où s’étaient entassés 51 ans de souvenirs et encore dernièrement pour la maison des cités de la Plaine.

Mais je veux surtout rendre hommage à la Ninie d’avant Alzheimer, qui fut comme je l’ai dit en préambule une grand-mère toujours disponible et accueillante pour les années bonheur de l’enfance de nos trois fils. Vincent va vous en parler.

Mais avant cela, ce fut une remarquable femme d’action, qui n’avait peur de rien et dont la devise était « quand on veut, on peut ».

Ayant perdu un premier fils en 1949, elle a lutté 7 ans pour pouvoir à nouveau être mère et me donner le jour en 1956.

Pour avoir les moyens de pourvoir à l’éducation de ce fils unique, elle a relevé en 1965, à 40 ans, un défi énorme, celui de passer son permis de conduire et de créer un commerce de proximité à Woippy, dans un quartier appelé à fortement s’urbaniser.

Mon père a quitté l’usine où il était ouvrier, et le couple s’est lancé dans 17 ans d’un commerce qui est vite devenu le bazar du quartier St Eloi, où on y trouvait la presse, le tabac, le loto, les bonbons, les jouets, les vêtements, les chaussures, les disques et même le mazout et les bouteilles de gaz.

Mes parents étaient loin d’être des capitalistes, ils avaient le sens du service, et s’ils vendaient tant de choses, c’est parce que la population défavorisée du secteur en avait besoin !

Je leur dois beaucoup pour cela, car si j’ai eu le parcours professionnel que j’ai eu au Crédit Mutuel, c’est bien parce que, comme eux, je me suis toujours mis au service des clients, pour répondre au mieux à leurs besoins et attentes.

Tous les mois, la petite Ninie, haute comme trois pommes, partait pour deux jours avec sa Citroën ID break commerciale à Paris, pour dégotter de bonnes affaires dans le Sentier. Et son retour était attendu par des dizaines de dames, qui savaient qu’elles allaient pouvoir se rhabiller à la mode et pour pas cher.

La petite Ninie a organisé des défilés de mode à l’arrière du magasin, elle était adjointe au maire de Woippy pendant plusieurs mandats, mais aussi vice-présidente de la CMDP de Woippy pendant de nombreuses années jusqu’à ses 70 ans.

Je ne témoigne ici que de ce que j’ai vécu, mais la petite Ninie avait 14 ans en 1939, elle a eu sa belle jeunesse gâchée par la guerre, mais elle a eu le temps en 1944 d’en faire voir aux Allemands, à un poste administratif où elle a pu détourner des vivres pour les clandestins.

Voilà, ma petite maman, la page de ta vie tellement dense et courageuse se tourne définitivement aujourd’hui.

Repose en paix, tu l’as tellement mérité.

Ton fils qui pleure et te doit tant.

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