Pourquoi février n’a que 28 jours (histoire de notre calendrier).
La Terre tourne autour du Soleil en 365,24219 jours, soit 365 jours 5 heures 48 minutes et 45 secondes, c’est ce qu’on appelle l’année solaire ou année tropique.
Peu de gens le savent, mais les saisons (boréales pour l’hémisphère nord) n’ont pas des durées égales. En ce début du XXIème siècle, on en est à peu près à 92,7 jours pour le printemps, 93,7 jours pour l’été, 89,9 jours pour l’automne et enfin 89,0 jours seulement pour l’hiver.
On appelle précisément printemps la saison qui va de l’équinoxe de mars au solstice de juin. L’été va du solstice de juin à l’équinoxe de septembre, l’automne, de l’équinoxe de septembre au solstice de décembre et l’hiver, du solstice de décembre à l’équinoxe de mars.
Vous aurez remarqué que la durée des « belles saisons » boréales est significativement plus longue que la durée de l’automne et de l’hiver. Et c’est bien sûr l’inverse pour l’hémisphère sud.
Ce phénomène est dû au fait que la Terre tourne autour du Soleil en formant une ellipse. La Terre est au plus proche du Soleil (147 millions de km) en début janvier et au plus éloigné (152 millions de km) au début juillet. En janvier, il y a donc un peu moins de kilomètres à parcourir et en plus la loi de Kepler nous apprend que la Terre va plus vite quand elle est plus proche (en gros plus attirée, elle tourne plus vite « au bout » d’un fil plus court).
La longueur de nos trimestres témoigne un peu de cette différence de durée des saisons.
Le premier trimestre (hivernal) comporte 90 jours, quand le deuxième trimestre en comporte 91 jours, le troisième trimestre 92 jours et le quatrième trimestre 92 jours.
Les sociétés humaines se sont petit à petit organisées sur la planète. Le calendrier de leurs activités était rythmé par le soleil, la lune, la durée du jour, les saisons. Les premiers groupements humains sédentaires sont bien entendu des communautés agricoles pour qui ces éléments visibles sont des marqueurs temporels évidents.
Dès le début, le cycle lunaire de 29 jours s’est imposé comme un repère commode : d’une lune naissante à l’autre en passant par la pleine lune. C’est pour cette raison que nous avons des « mois ».
Du temps des pharaons égyptiens, vers 2.500 ans avant notre ère, on connaissait déjà l’année de 365 jours. Il y avait 12 mois de 30 jours, plus 5 jours additionnels, dits épagomènes, en été, à des dates qui correspondent aujourd’hui à la période du 14 au 18 juillet. Le calendrier égyptien, nécessaire à l’activité économique, est le premier calendrier solaire connu et il était rythmé en trois saisons de 4 mois découlant des crues du Nil, qui fertilisaient la terre et commandaient le processus des récoltes : Akhet (inondation), Peret (émergence des terres) et Chemou (chaleur).
Chaque mois comportait 3 décades. Par bien des aspects, il est supérieur au nôtre, de par sa simplicité et sa répétitivité. Il avait néanmoins deux défauts : il ne tenait pas compte des cycles de la Lune, alors que celle-ci rythmait la vie courante et pas mal de fêtes populaires, et il n’y avait pas de rattrapage comparable à notre année bissextile, ce qui faisait qu’il y avait au fil du temps un gros décalage entre l’année civile et l’année solaire. On retournait à la concordance au bout de 1460 ans ! Par ailleurs, on ne comptait pas les années à partir d’un événement fixe du passé, donc pas de date absolue, mais des dates par rapport au règne des pharaons successifs (exemple : an 8 de Ménophrès).
On notera que les 5 jours supplémentaires sont justement ajoutés en été boréal (l’Egypte est dans l’hémisphère nord), ce qui aurait pu permettre d’être à peu près en corrélation avec les solstices et les équinoxes, qui étaient des événements dûment identifiés, s’il n’y avait eu le décalage de 6 heures par an entre l’année civile et l’année solaire.
Près de deux millénaires plus tard, les Romains comptent les années à partir de la fondation de Rome en avril 753 avant Jésus Christ. On a donc des dates absolues. Leur premier calendrier (dit romuléen, de Romulus, cofondateur de Rome) comporte 10 mois de 30 ou 31 jours, soit 304 jours, allant de mars à décembre, structurés en 38 semaines « commerciales » de 8 jours. Il manquait donc 61 jours ! Quelques jours manquants sont ajoutés au long des 10 mois sans être comptés pour assurer une correspondance avec les lunaisons. Chaque mois commençait par les calendes (jour de la nouvelle lune) et les ides (13 ou 15ème jour) correspondaient à la pleine lune. On avait aussi les nones pour le premier quartier de lune. En hiver, on arrêtait tout simplement de compter les jours, en attendant les ides de mars. On nomme les jours « à rebours » en fonction des calendes ou des ides en les anticipant. Exemple : 6ème jour avant les calendes.
Comme pour les Grecs avant Rome, on avait donc une prévalence des cycles de la lune, jusqu’à la réforme de Numa Pompilius, qui va instituer le calendrier pompilien en rajoutant 50 jours (seulement) au calendrier romuléen par création de deux mois de 28 et 29 jours supplémentaires, février (pour les expiations) et janvier (dédié au dieu Janus), mais en enlevant 1 jour aux 6 mois de 30 jours, pour avoir ainsi des mois d’un nombre impair, soit 29 (mois caves), soit 31 (mois pleins), les nombres pairs portant malheur. Tous les 4 ans, on ajoutait un mois intercalaire de 29 jours et février était porté à 29 jours.
Vers 450 avant Jésus Christ, la République Romaine va inverser les mois de février et janvier, février devenant le dernier mois d’une année qui commence toujours en mars. On ajoutera désormais le mois intercalaire, nommé Mercedonius (27 jours) tous les deux ans, février étant alors ramené ces années-là à 23 ou 24 jours.
L’année consulaire commencera en janvier, et non plus en mars à partir de 153 avant Jésus Christ.
En 45 avant Jésus Christ, Jules César réforme ce calendrier romain républicain, qui présentait encore de graves lacunes. Il fait appel à l'astronome Sosigène d'Alexandrie pour mettre en place un calendrier solaire proche de l’année tropique, qu’on appellera le calendrier julien.
Les mois de 29 jours passent à 30 jours, janvier passe à 31 jours. On a 365 jours par an. Pour coller au mieux à l’année tropique (365,2422 jours), on rajoutera un jour au mois de février tous les 4 ans. Ce jour de plus, on l’intercalera probablement juste après le 23 février (6ème jour avant le 1er mars, sextus en latin), créant ainsi un mois de février avec deux « sextus », donc bissextile.
Sous Auguste, qui succèdera à Jules César, le mois Quintilis deviendra Iulius (juillet) en hommage à Jules César, puis Sextilis deviendra Augustus (août) en hommage à Auguste.
Encore sous Auguste, Rome adoptera la semaine de 7 jours, dite semaine commerciale (au lieu de 8 jours auparavant).
On lit ici et là que le mois Augustus aurait 31 jours par ajout d’un jour pris sur février, pour donner autant à Auguste qu’à Jules. C’est probablement une belle histoire, une interprétation séduisante, mais malheureusement erronée. Des écrits attestent de la durée de 31 jours pour Quintilis et Sextilis dans la réforme initiale prônée par Sosigène d’Alexandrie.
Ce dernier avait pour but de faire cadrer le nouveau calendrier avec la réalité de l’année solaire, et notamment de le faire coïncider avec les saisons, c’est-à-dire les intervalles entre solstices et équinoxes. Dans ce cadre, il est logique de mettre des mois plus longs en été et plus courts en hiver.
Mais alors pourquoi décembre et janvier à 31 jours et février à 28 jours ?
La réponse est dans les lignes précédentes, en continuation des calendriers précédents.
En fait, le mois comptait 28 jours avant la réforme julienne et 28 jours après. Février, c’est le mois créé à l’origine pour l’expiation, dernier mois, mois cheville, mois qui passe parfois à 23 ou 24 jours, dernière roue de la charrette, à qui on attribue les restes de jours hivernaux moins nombreux.
Ce calendrier julien est encore en application de nos jours dans quelques religions orthodoxes et dans un calendrier agricole en Afrique du Nord.
Mais c’est en 1582 que le pape Grégoire XIII institua le calendrier grégorien, qui diffère en fait très peu du calendrier julien.
En premier lieu, le calendrier grégorien fixe le début de l’année au 1er janvier. Les usages différaient beaucoup en la matière selon les régions et les pays.
Mais surtout, l’application stricte par le calendrier julien de l’année bissextile tous les 4 ans depuis l’an 8 après Jésus Christ avait accumulé un décalage de 10 jours par rapport à l’année solaire (11 minutes par an en moyenne, soit 1 jour tous les 134 ans).
On décida donc de régulariser quelques siècles de décalage en une fois.
Dans des états ou possessions catholiques comme l’Espagne, le Portugal, la Pologne, le Brésil ou les états de la péninsule italienne, on passa directement du jeudi 4 octobre 1582 au vendredi 15 octobre 1582. En France, on hésita un peu plus et le rattrapage eut lieu en passant du 9 décembre au 20 décembre 1582. Les anniversaires fêtés en 1583 sont arrivés 10 jours plus tôt que d’habitude !
La réforme étant édictée par une bulle du pape, alors qu’on est en pleine période des guerres de religions, les états orthodoxes et protestants n’ont pas souhaité s’y soumettre. Cela apporta pas mal de confusion entre les pays ou même entre les régions catholiques et protestantes de pays comme la Suisse ou l’Allemagne.
L’Angleterre n’a adopté le calendrier grégorien qu’en 1752.
Vous avez ainsi des hommes célèbres qui ont leurs dates de naissance et de décès exprimées en calendrier julien et d’autres ayant vécu de manière contemporaine en calendrier grégorien. Ainsi William Shakespeare et Cervantes sont décédés tous les deux le 23 avril 1616, mais en fait l’Anglais est mort 10 jours après l’Espagnol, le 3 mai. Car bien sûr, on n’a pas traduit rétroactivement toutes les dates juliennes en dates grégoriennes. Montaigne a sa date de naissance exprimée en date julienne et celle de sa mort à 59 ans en date grégorienne. Il a vécu en fait 10 jours de moins qu’il n’y paraît.
En Russie, le rattrapage ne s’est fait qu’en 1918, on passa alors du 1er février au 14 février, le décalage s’étant creusé de trois jours de plus entre 1582 et 1918. Voilà pourquoi on célèbre chaque année « la Révolution d’Octobre » le 7 novembre et non le 25 octobre !
Le plus étonnant peut-être est le cas de la Suède qui s’est un petit peu pris les pieds dans le tapis en voulant passer d’un calendrier à l’autre. En 1699, ils décident d’adopter le calendrier grégorien, mais sans rattraper les 10 jours en une fois. Ils prévoient donc de ne pas avoir d’année bissextile pendant quarante ans pour rattraper les 10 jours en douceur. Donc 1700 ne fut pas bissextile en Suède, alors qu’elle le fut dans les pays restés fidèles au calendrier julien. Se sentant isolée dans cette façon de faire, la Suède se retrouve avec 10 jours d’écarts avec les pays catholiques et 1 jour d’écart avec les pays protestants. Pour ne pas aggraver la situation, on décide d’appliquer en 1704 et 1708 les années bissextiles normales, renonçant au plan sur 40 ans. En 1711, il est finalement décidé de revenir au calendrier julien et pour ce faire 1712 sera doublement bissextile ! Le peuple suédois a donc vécu un 30 février en 1712.
Il y eu aussi deux 30 février en URSS en 1930 et 1931 lors d’une tentative de mise en place d’un calendrier révolutionnaire qui a avorté ensuite. Il doit donc exister de vieux russes nés ces deux jours-là et qui n’ont jamais pu fêter leur anniversaire comme les autres !
Pour l’avenir, Grégoire XIII a simplement aménagé l’application des années bissextiles pour mieux coller à l’année solaire. Pour ce faire, une année sera bissextile tous les 4 ans, sauf pour les années divisibles par 100, sans être divisibles par 400.
Ainsi, les années 1600 et 2000 ont été bissextiles, mais pas les années 1700, 1800 et 1900. Ce sont ces trois dates qui ont provoqué l’écart de trois jours de plus en Russie pour la transition entre calendriers julien et grégorien.
Le calendrier de l’Egypte antique était construit sur une année de 365 jours (erreur d’un jour tous les 4 ans environ).
Le calendrier julien était construit sur une année de 365,25 jours (erreur d’un jour tous les 134 ans).
Le calendrier grégorien est construit sur une année de 365,2425 jours (erreur théorique de 3 jours tous les 10.000 ans). Théorique, car dans le même temps, la durée de l’année solaire varie un peu, environ une demi-seconde par siècle et on a aussi un allongement du jour de 1,64 milliseconde par siècle, ce qui fait une compensation à peu près du même ordre.