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Publié par jlgdu54

Voici une contribution à notre compréhension du problème des déchets nucléaires de haute activité et à vie longue par Bernard POTY.

Emise à l'occasion de l'enquête publique en cours concernant le projet CIGEO à Bure.

Le problème des déchets nucléaires de haute activité et à vie longue.

Enquête publique préfigurant la demande de déclaration d’utilité publique de Cigéo
Contribution de Bernard Poty, Directeur de recherche honoraire au CNRS, membre de la Société Française d'Energie Nucléaire.


De nombreux citoyens, mal ou insuffisamment informés, pensent que les déchets radioactifs sont le tendon d'Achille du nucléaire et que s'en débarrasser est un problème insoluble. Ils suivent en cela un argument constamment invoqué par les écologistes antinucléaires qui diffusent depuis plusieurs décennies des informations non étayées.

Rappelons d'abord que les déchets radioactifs sont classés en plusieurs catégories, selon leur activité (c'est à dire dangerosité), et selon leur durée de vie (leur période radioactive). Les déchets de faible et moyenne activité, à vie courte, sont déjà stockés dans des conditions satisfaisantes, et ne causent pas de nuisances à la population. Les déchets de haute activité et à vie longue sont ceux qui posent le problème le plus ardu et sont l'objet du projet Cigéo.

C'est de cette catégorie que je veux traiter ici.
Pour le géologue que je suis, habitué à travailler sur des gisements d'uranium qui se sont formés pour certains depuis deux milliards d'années, et ont évolué souvent jusqu'à nos jours, ce problème paraît au contraire résolu.

Certes l'activité des éléments toxiques se poursuivra durant une longue période (plusieurs centaines de milliers d'années), mais pour un géologue dont l'unité de temps est le million d'années cela ne pose pas un sérieux problème. Je comprends toutefois, que pour le citoyen ordinaire, dont l'échelle de temps est plutôt l'année ou la génération, cela puisse être difficile à comprendre.

Cigéo est un projet de stockage pour les déchets hautement radioactifs au sein d'une couche d'argile située à la limite entre les départements de la Meuse et de la Haute Marne.

Les caractéristiques de cette couche d'argile ont fait l'objet d'études scientifiques et
techniques poussées depuis plus de trente années.
Le laboratoire que j'ai dirigé au sein du CNRS pendant une trentaine d'années, a longuement travaillé sur les gisements d'uranium et sur cette thématique du stockage des déchets radioactifs. Ces travaux ont été effectués à la demande et pour le compte de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).


Les résultats de ces travaux montrent clairement que les éléments les plus dangereux parmi les produits de fission (actinides mineurs : Américium, Curium et Neptunium) seront piégés dans le champ proche des conteneurs de déchets (quelques dizaines de centimètres) car ce sont des cations, et que les argiles ont une surface électronégative. Seuls les anionspuisqu'ils sont électronégatifs, ne seront pas arrêtés par les argiles : 129I, 36Cl, en particulier.


Mais les caractéristiques physiques de l'argile font que ces éléments ne pourront migrer que par diffusion, c'est à dire avec une vitesse extrêmement lente : ils n'atteindront le sommet ou la base de la couche d'argile qu'après 200 000 ans environ. A ce moment, d'une part leur activité sera devenue négligeable du fait de la décroissance radioactive, et d'autre part ils seront dilués par les aquifères sus- et sous-jacents où l'eau circule à des vitesses de plusieurs mètres par an.

Cela explique pourquoi, selon les modélisations, la dose reçue par les êtres vivants en
surface ne sera jamais supérieure à un ou deux ordres de grandeur en dessous de la valeur imposée par la Règle Fondamentale de Sûreté (0,25 mSv/an).

D'autre part la nature a validé ce raisonnement.
En effet, il y a deux milliards d'années, le réacteur nucléaire naturel d'Oklo au Gabon a
fonctionné pendant quelques huit cents mille ans. Il a été l'objet de nombreuses études scientifiques, et il a été montré que les produits de fission avaient très peu migré autour des zones de réaction nucléaire, la couche d'argile qui les entoure ayant bloqué cette migration.

Je comprends tout à fait que le citoyen ordinaire, non spécialiste de ces questions, puisse être inquiet de la présence de ces déchets radioactifs qui sont effectivement dangereux.
Mais ne vaudrait-il pas mieux faire confiance aux scientifiques qui ont étudié la question pendant de nombreuses années, sans conflit d'intérêt ? Quand je vais consulter mon médecin j'attends qu'il m'éclaire sur la nature de mes problèmes de santé et me trouve une solution pour améliorer mon état. Il me paraîtrait judicieux que, pour le cas des déchets radioactifs, le citoyen accepte les résultats des études scientifiques et techniques qui sont réalisées depuis plus de trente années sur le sujet, et qui démontrent la faisabilité du stockage en couche géologique profonde.


D'ailleurs c'est sur la foi des études déjà réalisées que le Parlement a adopté, en 2006, la loi retenant le stockage en couche géologique profonde comme solution de référence pour gérer sur le très long terme les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Ce choix est également celui des pays qui ont déjà pris une décision tels que la Finlande ou la Suède, ou qui l'étudient comme la Suisse, les USA, la Russie, la Chine, etc ...


Certes, si les questions fondamentales de ce futur stockage sont bien comprises, de
nombreux problèmes techniques sont encore à résoudre, comme c'est le cas pour toute activité industrielle. C'est la raison pour laquelle une phase industrielle pilote sera réalisée, sans dépôt de déchets radioactifs, pour tester en vraie grandeur la faisabilité du stockage, et sa réversibilité, c'est à dire la possibilité de retirer les colis de déchets dans le cas où une solution meilleure serait trouvée.

Pour conclure j'estime que le projet Cigéo est arrivé à maturité, et que les déchets
radioactifs de haute activité, comme ceux de moyenne activité à vie longue, trouveront là une solution qui préservera les populations de leurs nuisances.
Ainsi l'énergie nucléaire pourra se développer. Cette forme d'énergie qui, contrairement au charbon et au gaz, émet très peu de gaz à effet de serre, et qui de plus est pilotable, sera d'un grand secours pour réduire ces émissions nocives. Elle rendra ainsi l'indispensable lutte contre le réchauffement climatique moins douloureuse pour les populations.

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